【CHAPITRE 3】
Epine resta figé, le souffle court. Une lune. Seul, au cœur de ce territoire où chaque ombre recelait une menace, où chaque chat aurait pour mission de le traquer, de le tester... ou de le tuer.
"Si tu veux prouver que tu n'es pas qu'un poids inutile, tu devras survivre ici," déclara Fléau d'une voix implacable. "Pas de répit, pas d'alliés. Juste toi, et tes maigres compétences."
Les autres chats se massaient autour, leurs regards brûlant d'intérêt ou de mépris.
"Et si je survis ?" osa demander Epine, bien que sa voix soit faible.
Fléau esquissa un sourire cruel. "Alors, tu reviendras. Et peut-être que je t'accepterai parmi nous."
Epine sentit ses pattes trembler, mais il ne recula pas. La peur bouillonnait dans son ventre, mais il n'avait pas d'autre choix.
Les règles étaient simples : pas de nourriture donnée, pas d'abri fourni. Il ne devait compter que sur lui-même. Pire encore, il savait que certains guerriers de la tribu, ceux que Fléau appelait ses "griffes", seraient envoyés pour le traquer et tester ses limites.
Carcasse se pencha vers lui, un sourire mauvais étirant ses babines. "Bonne chance, chaton. Peut-être que tu feras enfin quelque chose dont je pourrais être fier... ou pas."
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Le silence pesait sur les ruelles sombres lorsque Carcasse poussa brutalement Epine hors du camp. Le jeune chaton trébucha, ses pattes glissant sur les pavés froids. Il se redressa avec difficulté, sentant le regard glacial de son père fixé sur lui.
"Ne reviens que si tu es encore en vie à la prochaine lune," cracha Carcasse avant de tourner les talons.
Epine resta immobile quelques instants, la respiration haletante. Une lune. Seul. Il savait que ce territoire grouillait de dangers, que chaque ombre pouvait abriter un ennemi, et que la faim finirait par le ronger. Mais il ne pouvait pas échouer. Il ne voulait pas disparaître comme un fantôme oublié.
La nuit tombait, enveloppant la ville d'un voile inquiétant. Épine se força à avancer, ses pattes tremblantes sur les dalles froides. Il devait trouver un endroit où dormir, mais chaque recoin semblait hostile. Des yeux luisaient dans l'obscurité, et un grondement lointain lui rappela qu'il n'était jamais vraiment seul ici.
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Il trouva refuge sous une vieille charrette abandonnée, entourée de détritus et de morceaux de bois pourrissants. L'odeur était infecte, mais elle couvrirait la sienne. Le jeune chat se recroquevilla, son pelage noir le camouflant dans la pénombre.
Le sommeil fut bref et agité. Une odeur le réveilla en sursaut : celle d'un autre chat.
"Alors, voilà le petit rejeton de Fléau ?" La voix était moqueuse et traînante. Épine tourna la tête pour découvrir Renard, le mâle roux foncé, se glissant hors de l'ombre.
"Je vois que t'as trouvé un coin tranquille. Dommage qu'il soit déjà pris."
Epine recula instinctivement, son dos heurtant la roue de la charrette. Il chercha une échappatoire, mais Renard bloquait l'entrée.
"Tu vas me le payer en griffes ou en sang, chaton ?" demanda Renard en sortant ses griffes d'un air menaçant.
Epine savait qu'il ne pouvait pas rivaliser. Renard était grand et expérimenté, un guerrier aguerri du groupe de Fléau. Pourtant, un instinct primal s'éveilla en lui. Il ne pouvait pas mourir ici.
"Essaye, si t'en es capable," rétorqua Epine, feignant un courage qu'il ne ressentait pas.
Renard éclata de rire, mais il s'interrompit brusquement lorsqu'une boîte métallique tomba d'une pile d'ordures non loin. Une silhouette jaillit du tas, se glissant entre Epine et Renard.
"C'est bon, Renard. Ce chaton ne vaut pas la peine que tu te fatigues." Obscur, le mâle tout noir, était apparu comme une ombre vivante. Sa voix était calme, mais tranchante.
Renard gronda de frustration, mais recula, jetant un dernier regard méprisant à Epine avant de disparaître dans les ruelles.
Obscur tourna la tête vers le jeune chat. "Tu ferais mieux de trouver un autre endroit. Cette ville ne pardonne pas aux faibles." Puis, sans un mot de plus, il disparut à son tour.
Epine resta un moment figé, ses pattes tremblantes. Il venait de survivre à sa première rencontre. Mais combien d'autres l'attendaient encore ?
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Le lendemain, la faim le réveilla. Le soleil peinait à percer à travers les nuages gris, baignant la ville d'une lumière terne. Epine savait qu'il devait chasser, mais ce territoire n'était pas fait pour lui.
Alors qu'il rôdait près d'un nid de bipèdes, il sentit une proie : un rat maigre et nerveux fouillait un tas d'ordures. C'était sa chance.
Il se glissa lentement, retenant sa respiration, puis bondit. Ses griffes rencontrèrent la chair, mais le rat se débattit férocement, lui mordant la patte. Epine retint un cri de douleur et planta ses crocs dans la nuque de la créature. Le rat s'immobilisa enfin.
Essoufflé, blessé, mais victorieux, il mangea sa première proie depuis son exil.
Alors qu'il finissait, un murmure lui parvint. Une voix froide et moqueuse :
"Profite bien, chaton. Tu ne tiendras pas longtemps ici."
Epine leva les yeux pour voir Grêle, la femelle écaille, perchée sur un mur en ruines. Elle le fixait de ses yeux perçants, un sourire cruel sur les babines. Puis elle s'éloigna, sa queue fouettant l'air.
Epine se lécha les pattes, conscient que chaque mouvement, chaque battement de cœur, pouvait être son dernier. Mais il serra les dents. Il survivrait. Peu importe le prix.
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